DE
L’ASSASSINAT DE MON CRÉATEUR CONSIDÉRÉ COMME UN DES BEAUX-ARTS… ou
CONFESSIONS D’UN TATOUEUR TUEUR
« Vous l’avez sûrement remarqué, à quelques
rares exceptions près (i.e. Michael Draper), je ne présente jamais de romans
publiés à compte d’auteur ou en auto-édition. Il me faudrait une chronique
entière pour en expliquer les causes, mais disons brièvement qu’il y a trois
raisons principales à cet état de choses, la première étant qu’une grande
partie des romans publiés sont médiocres ou pires. Ensuite, il y ces romanciers
qui ont tous les outils nécessaires pour réussir, mais qui, faute de travail
éditorial, de direction littéraire pro ou de conseils avisés, s’en servent mal,
avec des résultats peu convaincants. Et quand enfin, souvent par hasard, on
déniche une perle rare, à quoi bon recommander un livre qui est peu ou pas
disponible, faute de distribution adéquate ? Promotion absente ou limitée, sp [services
de presse] inexistants, diffusion au
compte-gouttes, etc… il y a beaucoup « d’orphelins » dans cette branche de
l’édition.
Ceci étant dit, j’ai
été assez intrigué par le concept original de « J’ai tué mon auteur », de Michel
Roberge pour m’y plonger et le lire d’une traite avec beaucoup de plaisir.
Laissons l’auteur présenter son projet : « Cette création littéraire est
une fantaisie romanesque, ponctuée de va-et-vient entre fabulations et la
réalité, portant sur les relations personnages-auteur-éditeurs-lecteurs. »
Son objectif : «
divertir avec une touche pédagogique ». Objectif pleinement atteint dans les
deux cas…
Dès la première
partie, le lecteur fait la connaissance de Victor Vanier, dit le Tatoueur, un
épouvantable tueur en série, protagoniste d’un roman, qui se sent victime de
son auteur qui lui inflige un rôle de criminel sadique dans ce que Roberge, non
sans humour, appelle « un thriller au succès mitigé ». Pour se venger, Vanier
décide alors d’éliminer son créateur.
En fait, il ne s’agit
pas d’une fiction, d’une histoire, mais bien d’une réflexion élaborée sur « le
statut et la notoriété médiatique des écrivains ainsi qu’aux tenants et
aboutissants de l’industrie du livre ». À travers les divagations amusantes du
Tatoueur, c’est toute la genèse d’un roman qui est évoquée : les premiers
éclairs d’imagination, quelques germes d’idées dans la tête de l’écrivain, puis
la « naissance » des personnages, leur évolution, la rédaction des premières
pages, les heures de travail, les relations avec le monde de l’édition, le
stress des refus, le premier contrat, la première arnaque, la réalisation
matérielle de l’ouvrage… avec force détails et anecdotes. Roberge nous promène
à travers tout le processus d’édition avec ce que cela comporte d’effort,
d’imagination, de persévérance, d’espoirs, de petits bonheurs… et de
frustrations. Auteur de deux romans policiers publiés hors des grands circuits
éditoriaux, Roberge sait de quoi il parle !
Bref, ce petit
ouvrage original, bien écrit et très éclairant pourrait servir de matériel de
réflexion dans certains ateliers d’écriture. Il devrait être lu par tous
aspirants romanciers (pas seulement les auteurs de polars) qui rêvent de se
lancer dans la grande et exaltante aventure des aléas de l’édition.
P.S. en forme de
bémol. Même si l’auteur justifie leur emploi, la présence systématique des
majuscules est un irritant majeur, particulièrement agaçant et visuellement rébarbatif.
Ça me rappelle les polars « tonitruants » de Billy Bob Dutrisac qui en abusait.
Le lecteur est assez intelligent pour comprendre, pas besoin de lui enfoncer
les mots dans la gorge ! »
Source : Norbert Spehner
(Facebook 2020-12-07)